Le Musée canadien de la guerre conserve des millions d’objets dans la collection nationale. Chacun d’eux raconte une histoire.
Près de 45 000 Canadiens et Canadiennes sont morts en service pendant la Seconde Guerre mondiale. Leur disparition a bouleversé des proches, des amis et des communautés entières. Comment donner un sens à ces pertes, survenues pour la plupart à des milliers de kilomètres du pays? Parfois, les proches ont trouvé un certain réconfort d’une façon inattendue, comme ce fut le cas pour la famille Campbell, qui a retrouvé ce petit porte-monnaie.
À l’âge de 19 ans, les frères jumeaux Robert Roy Campbell et Alexander Grant Campbell (Roy et Grant) se sont tous deux enrôlés dans l’Aviation royale du Canada, le premier en décembre 1941 et le second en janvier 1942.
Roy et Grant Campbell ont été envoyés outre-mer, où ils ont servi comme navigateurs aériens, traçant des itinéraires pour esquiver les défenses ennemies au sol et rapporter les avions en sécurité. Survoler un territoire ennemi était toujours une activité dangereuse.
Le 11 avril 1944, l’avion de Grant a été abattu en plein vol près de Cambrai, en France. Cinq semaines plus tard, sa famille recevait une autre mauvaise nouvelle : l’avion de Roy avait été porté disparu. Elle apprit plus tard que l’appareil avait été abattu au-dessus de Reninge, en Belgique. La famille a continué d’espérer que les frères avaient survécu et qu’ils étaient en captivité, mais après des mois sans nouvelles, elle a dû accepter la vérité : les jumeaux avaient péri dans les écrasements.
À l’époque, le Canada ne rapatriait pas les corps de ses citoyens morts à la guerre. On les enterrait plutôt dans des cimetières près de l’endroit où ils avaient été tués. Si cet endroit était inconnu, on inscrivait leur nom sur les monuments aux disparus.
Une fois la guerre terminée, des Canadiens et des Canadiennes ont fait des pèlerinages vers les lieux de sépulture de guerre à l’étranger pour voir où leurs proches avaient été enterrés. Mais beaucoup de gens n’ont pas eu cette possibilité en raison de leur situation financière, de leur état de santé ou d’autres facteurs.
La famille Campbell a pu faire ce voyage, en France et en Belgique, en 1947. Elle avait très soigneusement planifié son itinéraire, sachant qu’il lui serait difficile d’y retourner un jour.
La famille s’est recueillie sur les lieux de sépulture : d’abord de Grant, puis de Roy. Les corps n’avaient pu être identifiés ni pour l’un ni pour l’autre. Ils avaient donc été inhumés avec les dépouilles d’autres membres de leur équipage respectif qui, eux non plus, n’avaient pu être identifiés.
S’ils ont trouvé un certain réconfort dans le fait de voir ces tombes, les Campbell auraient souhaité en faire plus.
C’est là que le porte-monnaie entre dans l’histoire.
En France, un agent de police, qui avait été le premier arrivé sur la scène de l’écrasement, les a menés là où avait péri Grant. Il a alors montré aux parents en deuil les restes d’une carte carbonisée et un petit porte-monnaie. L’un des membres de l’équipage, retrouvé à la place du navigateur à bord de l’avion, tenait ces objets dans sa main.
Les parents ont alors reconnu le porte-monnaie « au-delà de tout doute possible » : c’était celui qu’ils avaient offert à Grant pour Noël, l’année avant son enrôlement. Il a alors été possible d’identifier le corps de Grant, puis de le faire inhumer dans une tombe distincte.
Ainsi, ce petit porte-monnaie a apporté un peu de réconfort à une famille qui vivait une épreuve difficile.