Survol historique
Le service militaire a souvent été le précurseur de l’amélioration de la situation de différentes communautés canadiennes d’origine asiatique, et notamment de l’élargissement de leurs droits légaux. L’expression « Canadien d’origine asiatique » désigne de nombreux groupes, reflétant un éventail de pays d’origine, de vagues de migration, de différences générationnelles, de lieux d’établissement, etc. Le présent aperçu explore l’histoire de trois groupes : les Canadiens d’origine chinoise, les Canadiens japonais et les Canadiens d’origine sikhe.
Les Canadiens d’origine chinoise
Les Canadiens d’origine chinoise ont servi dans tous les conflits majeurs auxquels le Canada a participé depuis la Première Guerre mondiale, ainsi que dans des missions de maintien de la paix. Cependant, le chemin vers l’acceptation dans les forces armées du Canada a été bien difficile.
Jusqu’à 300 Chinois vivant au Canada ont servi durant la Première Guerre mondiale. Certains sont morts ou ont été blessés sur les champs de bataille en Europe. Malgré ces sacrifices, la vie des Chinois au Canada est devenue plus opprimante après la guerre. En 1923, le Canada a même interdit l’immigration de ressortissants chinois.
Lorsque la Seconde Guerre mondiale a éclaté, les jeunes Canadiens d’origine chinoise étaient à nouveau désireux de s’enrôler. Beaucoup ont été rejetés dans les bureaux de recrutement du fait de leur origine. Nés au pays, les membres de cette génération étaient néanmoins traités comme des citoyens de deuxième ordre. La plupart ne pouvaient pas voter. Ils étaient aussi habituellement confinés dans des emplois de bas niveau dans des quartiers où la ségrégation était appliquée. De plus, l’immigration de ressortissants chinois était toujours interdite.
Dans ce contexte, les jeunes Canadiens et Canadiennes d’origine chinoise croyaient que le fait de se porter volontaires pour combattre prouverait leur allégeance au Canada et aiderait leur communauté à obtenir le droit de vote.
Lorsque le Japon est entré en guerre en 1941, une nouvelle occasion de servir s’est présentée. Des Canadiens d’origine chinoise ont été recrutés et formés par le Special Operations Executive britannique. Ils ont servi au sein de la Force 136. Ils se sont spécialisés dans l’espionnage et le sabotage, et ont été affectés à des opérations derrière les lignes japonaises en Asie du Sud-Est.
Quand le conflit mondial a pris fin, en 1945, plus de 600 Canadiens d’origine chinoise avaient servi partout dans le monde, dans tous les services des forces armées. Et lorsque ces militaires sont rentrés, ils ont contribué à faire avancer un mouvement de défense des droits civils visant l’abrogation de la Loi de l’immigration chinoise de 1923 et l’obtention du droit de vote pour les Canadiens d’origine chinoise. Ils ont remporté ces deux batailles en 1947, et aujourd’hui, cela est appelé la « double victoire » de la communauté.
Les Canadiens Japonais
Les Canadiens japonais se sont enrôlés pour la première fois dans l’armée canadienne lors de la Première Guerre mondiale. Ils se sont battus non seulement pour leur pays, mais aussi pour l’égalité des droits. Ils n’ont pas bénéficié des mêmes droits que les autres citoyens avant 1949.
Au moins 222 Canadiens japonais ont combattu pour le Canada pendant la Première Guerre mondiale. Ils ont servi dans de grandes batailles, comme celles de la Somme et de la crête de Vimy. Environ 91 ont été blessés, et 54 ont été tués au combat. Beaucoup ont reçu des décorations pour actes de bravoure.
Ceux qui sont rentrés au Canada voulaient le droit de vote. Ils ont fait pression sur le gouvernement pour qu’il permette à tous les Canadiens japonais de voter. En avril 1931, ils ont remporté une demi-victoire : les vétérans canadiens-japonais ont obtenu le droit de vote, mais tous les autres Canadiens japonais se sont vu refuser ce droit.
Au début de la Seconde Guerre mondiale, une trentaine de Canadiens japonais issus de la nouvelle génération se sont enrôlés pour servir leur pays. Cependant, en 1942, le gouvernement a déplacé de force et interné des milliers de Canadiens japonais du fait de leur race. Selon le gouvernement, les personnes « d’origine raciale japonaise » pourraient être déloyales envers le Canada. Malgré ce traitement, en 1945, 160 autres Canadiens japonais se sont engagés dans l’armée canadienne. Certains ont servi comme interprètes et interrogateurs, y compris dans le cadre de procès pour crimes de guerre impliquant le Japon.
En 1946, le gouvernement canadien a déporté 3 964 Canadiens japonais vers le Japon. En 1950, environ 30 d’entre eux se sont enrôlés dans l’armée canadienne. Ils ont quitté le Japon pour se rendre en Corée afin de participer à la guerre de Corée. Après la guerre, ils ont pu revenir au Canada. Vingt autres Canadiens japonais qui vivaient au Canada ont également servi pendant la guerre de Corée.
Les vétérans canadiens-japonais ont fièrement servi le Canada. Chaque année, le jour du Souvenir, on rend hommage à leur contribution au monument aux morts canadiens-japonais, situé dans le parc Stanley, à Vancouver.
Les Canadiens d'origine sikhe
Depuis leur arrivée au Canada, les Canadiens d’origine sikhe ont cherché à s’enrôler dans les forces armées du pays, respectant ainsi leurs traditions martiales de longue date. Ils se sont parfois heurtés à d’importants obstacles.
Dans les années 1800, les soldats sikhs de l’armée indienne britannique se sont distingués au niveau international en remportant de nombreux honneurs de guerre dans l’Empire britannique. Cela a encouragé les vétérans sikhs à s’installer dans des colonies britanniques partout dans le monde et à intégrer les forces de police coloniales. Toutefois, lorsque les premiers vétérans sikhs sont arrivés au Canada, on leur a interdit de servir dans la milice et les forces policières.
Malgré les loyaux services rendus par leur communauté à la Couronne, les sikhs de la ColombieBritannique ont été victimes d’une grave discrimination. En 1907, ils ont été privés de leur droit de vote, et en 1908, tous les SudAsiatiques se sont vu interdire l’entrée au pays en vertu du règlement sur le voyage continu. En 1909, pour protester contre ce règlement raciste, les dirigeants de la communauté sikhe canadienne ont exhorté les vétérans à brûler leurs uniformes et leurs lettres de recommandation, et à se débarrasser de leurs médailles militaires.
Même s’ils faisaient face à des obstacles et à des restrictions, certains Canadiens d’origine sikhe ont choisi de servir dans le Corps expéditionnaire canadien pendant la Première Guerre mondiale. Ils ont combattu aux côtés de près de 500 000 compatriotes pendjabis qui s’étaient portés volontaires pour servir dans les forces coloniales britanniques.
La lutte des Canadiens d’origine sikhe contre la privation du droit de vote s’est poursuivie jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Un décret de la Khalsa Diwan Society, la principale organisation nationale représentant les Canadiens d’origine sikhe, demandait aux membres de la communauté de ne pas s’enrôler avant que leur droit de vote soit rétabli. Les Sud-Asiatiques ont récupéré le droit de vote en 1947.
En 1986, l’interdiction du port du turban dans les Forces canadiennes a été officiellement levée. Quatre ans plus tard, la Gendarmerie royale du Canada a autorisé les officiers à porter le turban comme élément de leurs uniformes, permettant ainsi aux sikhs de servir dans cette institution canadienne importante.
Les sikhs continuent de servir dans les Forces armées canadiennes. Harjit Singh Sajjan a gravi les échelons du British Columbia Regiment pour devenir le premier SudAsiatique à commander un régiment de l’Armée canadienne. En 2015, il a été nommé ministre de la Défense nationale.
Préparé par :
Catherine Clement, Chinese Canadian Military Museum
Carolyn Nakagawa et Linda Kawamoto Reid, Nikkei National Museum
Steven Purewal, conservateur, Indus Media Foundation
Photo au haut de la page :
Un groupe de recrues canadiennes d’origine chinoise, 1942.
Chinese Canadian Military Museum