Le Musée canadien de la guerre détient des millions d’objets dans la Collection nationale. Chacun raconte une histoire.
Ce simple certificat nous donne de l’information sur une personne et une ville après la fin de la Seconde Guerre mondiale.
On utilise souvent des certificats pour reconnaître les réalisations d’une personne. Vous avez peut-être vous-même reçu un certificat similaire, marquant quelque chose que vous avez accompli. Qui vous a donné ce certificat? À quoi ressemble-t-il? Et que représente-t-il?
Dans ce cas, c’est la ville de Wolfville, en Nouvelle-Écosse, qui a donné ce certificat au soldat Minnie Gray. Il lui a été décerné « en reconnaissance de son esprit patriotique et de ses nobles sacrifices », pour avoir volontairement servi dans les Forces armées canadiennes pendant la Seconde Guerre mondiale.
Les idées de patriotisme et de sacrifice sont également révélées dans la décoration du certificat. La bordure ornée, typique de ce genre de documents, comporte beaucoup de symboles : des coquelicots pour représenter les victimes de la guerre, et des feuilles d’érable, des drapeaux et des écussons pour représenter le Canada et l’Empire britannique. Et en haut, il y a le sceau de la ville.
Alors, que nous dit ce certificat sur Minnie Gray?
Eh bien, nous apprenons en le lisant qu’elle s’est portée volontaire pour le service militaire pendant la Seconde Guerre mondiale. Nous apprenons qu’elle a survécu à la guerre et qu’elle est retournée chez elle à Wolfville.
Nous savons également qu’elle a conservé ce certificat. Puisqu’elle y attachait de l’importance, après sa mort en 2005, ses amis en ont fait don au musée. En fait, ils ont dit au musée que Gray considérait son expérience pendant la guerre comme une des meilleures de sa vie.
Pour beaucoup de personnes, le souvenir de la Seconde Guerre mondiale était marqué par la perte et le chagrin. Mais pour le soldat Minnie Gray, l’époque de la guerre était une période d’amitié riche en possibilités. Pour comprendre cela, il faut explorer ce qu’elle a vécu avant et pendant la guerre.
Gray s’est enrôlée dans le Service féminin de l’Armée canadienne en 1944, à l’âge de 32 ans. Avant de servir dans les forces armées, elle a travaillé comme domestique. Puisqu’elle était célibataire et noire, dans la société où elle vivait, elle se trouvait face à des barrières sociétales et économiques, ainsi qu’à une discrimination manifeste.
En fait, Gray avait tenté de s’enrôler un an plus tôt mais avait été refusée. La raison officielle invoquée était les pieds plats. Mais ce n’était peut-être pas la vraie raison. Les agents de recrutement avaient une certaine latitude pour décider qui accepter et qui refuser.
Au début de la guerre, les candidats idéaux étaient des sujets britanniques jeunes, célibataires, blancs et en excellente santé. Gray, une femme noire, ne répondait pas aux critères de recrutement.
Mais puisque les critères ont été assouplis par la suite, la deuxième fois que Gray a essayé de s’enrôler, elle a été acceptée.
La plupart des 21 624 femmes engagées dans le Service féminin de l’Armée canadienne ont servi au Canada, mais environ 3 000 ont été envoyées outre-mer. Ces missions étaient très convoitées. En 1945, le soldat Minnie Gray a appris qu’elle faisait partie des rares chanceuses : on l’envoyait en Europe comme accompagnatrice du corps de cornemuses du Service féminin de l’Armée canadienne, qui ferait une tournée sur le continent pour divertir les troupes.
Gray a écrit dans son journal : « Je vais sur le continent comme aide-soignante du corps de cornemuses. Quelle journée! – et quelle chance. Je ne m’attendais pas à quelque chose d’aussi parfait. »
Gray est allée en Angleterre, en France, aux Pays-Bas et en Belgique avec le corps de cornemuses. Ils ont visité 83 villes en sept mois.
Donc, quand Minnie Gray pensait aux années passées dans l’armée elle se souvenait des endroits qu’elle avait vus, de son dévouement au bien-être des membres du corps, et des amitiés qu’elle avait nouées et qui ont duré toute sa vie. Il n’est donc pas surprenant que des souvenirs comme son certificat aient eu une signification toute particulière pour elle.
Mais qu’en est-il de Wolfville, qui a décerné le certificat? Qu’est-ce que ça signifiait pour la ville et ses habitants?
À la fin de la guerre, des centaines de milliers de militaires sont retournés dans des villages et des villes partout au Canada. Ils ont été honorés dans le cadre de banquets, de défilés et de cérémonies, et au moyen de bannières dans les vitrines des magasins. Ce genre de rituels ont permis aux municipalités, aux organisations sociales, aux anciens employeurs, aux voisins, aux amis et aux familles de renouer avec les militaires et de les remercier d’avoir servi pour défendre le pays et ses idéaux.
Pour la petite ville de Wolfville, souligner le retour de ses fils et ses filles a été une expérience positive. Et pourtant, certains ne sont pas rentrés. Les citoyens ont eu la sombre tâche d’ajouter des noms au monument aux morts local pour qu’on se souvienne toujours des personnes qui étaient mortes pendant leur service militaire. Neuf hommes de Wolfville ont été tués durant la Seconde Guerre mondiale.
Après la guerre, Minnie Gray n’avait aucune envie de retourner à son emploi d’avant-guerre. Elle a plutôt mis à profit la formation qu’elle a reçue dans l’armée. Elle a déménagé à Montréal pour poursuivre ses études. Après avoir obtenu son diplôme en 1947, elle est restée dans la ville, travaillant dans le domaine de la santé jusqu’à sa retraite. Elle est décédée en 2005.
Aujourd’hui, le certificat de Minnie Gray aide le musée à raconter une histoire sur une vétérane. Une femme. La fille d’un père noir et d’une mère blanche. Mais il témoigne également de la façon dont les collectivités, partout au Canada, ont accueilli les leurs et les ont aidés à commencer leur nouvelle vie en tant que vétérans et vétéranes.